dimanche 27 octobre 2013

La vie (très littéraire) d'Adèle


On a déjà beaucoup parlé de ce film, de son auteur, du thème, des actrices. Trop. Elles ont beaucoup parlé aussi. Trop. Comme si les mots étaient si importants autour de ce film, comme si la littérature pesait tant, glosait tant. 
Le fait est que ce film trop long (3 heures) est un film qui parle mais finalement ni de sexe (malgré de puissantes scènes), ni d'amour (malgré les apparences) mais de ruptures, de souffrances et surtout de différences culturelles. 
Abdellatif Kéchiche est imprégné de littérature et l'a bien montré avec "L'esquive" qui se déroule dans un lycée où les jeunes découvrent Marivaux. Mêmes scènes ici pour présenter l’héroïne, Adèle, encore adolescente, hésitante, portée par les autres plus que par elle-même, très influençable et passionnée par "La vie de Marianne", malgré ses 600 pages. La princesse de Clèves, le duc de Nemours y font également une apparition tutélaire bien révélatrice des penchants d'Adèle.
La rencontre avec Emma l'entraîne dans une liaison torride mais qui ne peut la révéler totalement à elle-même, car elle ne sait pas choisir. Ces deux femmes réunies par une passion physique sont finalement très différentes. Trop ?
L'une, Adèle, est douce et soumise, simple et souffrante, l'autre, Emma, est déterminée et radicale, initiatrice et dominante, l'une, Emma, s'épanouit dans la création artistique avec son monde artificiel et surfait, l'autre, Adèle, avec les enfants qui apprennent à lire et à écrire.... Adèle dévore Marivaux et les cochonneries sucrées qui plaisent à cet âge, Emma cite Sartre et Egon Shiele. Les parents de l'une adooorent les huîtres et les fruits de mer, chez Adèle, ce sont les spaghettis bolognese. Tout est là. 
Ces tempéraments venus de cultures différentes pouvaient-ils  s'entendre ? Un temps sans doute, deux ou trois ans peut-être. Puis les choix ( ou les non-choix) sont faits, la rupture douloureuse consommée. Adèle repart à sa solitude et à ses doutes.
Un film donc qui nous parle d'engagements, de mal-être, d'apprentissages et de souffrance. 
Un film réellement très littéraire (trop ?) derrière les images des corps enlacés alors même que les vies sont parallèles.
Une palme d'or bien méritée pour Adèle (Adèle Exarchopoulos). 
Pas une de trop.